Dans ce vaste réseau d’assemblages neuronaux que constitue notre cerveau, la mémoire de travail occupe une place singulière : elle n’est ni un simple registre, ni une armoire de stockage. Elle ressemble plutôt à un atelier d’artisans, où l’information est manipulée, transformée, combinée avec d’autres éléments — pour quelques secondes ou quelques minutes à peine — dans la perspective d’accomplir une tâche complexe. Première étape du raisonnement, plan directeur de l’action, chef d’orchestre discret de nos quotidiens, la mémoire de travail est à la fois un espace temporaire de rétention et un lieu d’élaboration mentale (Baddeley, 2012).
D’où vient ce terme, et que désigne-t-il précisément ? Alan Baddeley et Graham Hitch, dans les années 1970, ouvrent la voie en distinguant la mémoire de travail de la mémoire à court terme. La différence tient en un mot : opérationnalité. La mémoire de travail ne se limite pas à garder des informations (par exemple, un numéro de téléphone retenu juste avant de le composer). Elle les traite. Mémoriser une suite de chiffres en ordre inverse, suivre une conversation dense, résoudre un calcul mental, ou encore faire le tri dans des informations contradictoires : autant de processus où la mémoire de travail met à l’épreuve son pouvoir de manipulation et de gestion simultanée.
D’après les modélisations actuelles, la capacité de la mémoire de travail humaine se situerait entre 3 et 5 éléments simultanés (Cowan, 2010). Ce chiffre, bien que modeste, façonne profondément nos aptitudes à comprendre, apprendre, décider et… s’adapter.