Les limites explicatives de la théorie des fonctions exécutives s’éclairent nettement à la lumière de la neuropsychologie des émotions. Le neurologue Antonio Damasio, dès les années 1990, a démontré avec ses patients “frontaux ventrofmiédians”, que l’assise émotionnelle de la décision était souvent négligée : les personnes pouvaient résoudre des tâches abstraites d’inhibition sans difficulté, mais, placées dans des situations nécessitant une évaluation affective des enjeux, leur prise de décision devenait gravement déficitaire (“Somatic Marker Hypothesis”, Damasio, Neuron, 1996).
Les grands jeux de décision écologique, comme le Iowa Gambling Task (Bechara et al., 1994), ont ainsi permis d’objectiver que des patients avec des fonctions exécutives globalement préservées peuvent présenter une incapacité profonde à optimiser leur conduite, car ils n’intègrent plus les signaux corporels d’anticipation émotionnelle du gain ou de la perte.
Outre l’émotion, le poids de l’apprentissage doit être souligné. Les prises de décision sont souvent le fruit d’un délicat tissage entre habitudes, attentes et feedbacks, ancrés dans des systèmes cérébraux – le striatum, les ganglions de la base – qui échappent largement à l’orbite des fonctions exécutives classiques (Frank et al., Science, 2004). Des études sur l’apprentissage par renforcement montrent que des patients parkinsoniens, dont la dopamine du striatum est altérée, voient leur capacité à adapter leurs choix se modifier indépendamment de leur profil exécutif (Cools, Trends in Cognitive Sciences, 2010).